Correspondances
Le nouvel opus de Michèle FRANK & René WIROTH
Peintures
Performances
Installations
Sculptures
Projets artistiques
Traduction anglaise : Laine JACOB
Présentation
Correspondances tel est le titre du nouvel ouvrage à deux plumes et quatre mains que signent les artistes Michèle Frank et René Wiroth et qu’ils présenteront à l’abbaye de Neumünster vendredi prochain 12 juin à 18h. Un ouvrage dont le sous-titre touche à l’exégèse et en dit assez sur les échanges et les complicités dont il est ici question. Postulat et démonstration que « dans l’univers composé de règnes analogues, chaque élément correspond à un élément d’un autre règne ».
« L’or et l’argile », leur précédent ouvrage, était une présentation en duettiste de leur travail. Volonté de s’exposer comme un couple d’artistes. Ils y relataient leur rencontre, son influence sur leur œuvre ; bonheurs, douleurs, déchirements et au final la juxtaposition des peintures de l’une et des sculptures de l’autre comme illustration d’un dialogue. Dialogue humain plus encore que celui, artistique, auquel ils prétendent.
Aujourd’hui, ce sont leurs amis qui parlent du travail des six dernières années. Les artistes ont averti « ne cherchez pas de ressemblance dans nos œuvres », mais qu’importe l’avertissement. « Echanges et complicité qui les ont fait naître », « désir de les faire cohabiter », la quête d’équilibre « obsession de René » et cette « oscillation permanente entre les extrêmes » qui caractérise Michèle sont autant d’éléments qui ont séduits les uns et les autres.
La préface de l’ouvrage est signée Rémy Jacob. Il souligne une « présence au monde (qui) s’exprime de manière extrêmement différente » alors que dans la peinture de Michèle Frank « tout éclate avec la force de l’évidence » que « c’est chaque fois la vie qui l’emporte » alors que chez René Wiroth on retient la « fragilité obstinée… la tendresse (qui) baigne ses personnages ».
Cet ouvrage riche de 200 pages avec quelque 150 reproductions en couleur des sculptures et tableaux des artistes, et une dernière partie qui est véritable album photos, paraît comme le précédent aux éditions Guy Binsfeld.
Rendez-vous donc dans la chapelle de l’Abbaye vendredi 12 juin à 18h pour la présentation de Correspondances par les artistes et les auteurs. Elle sera accompagnée d’une exposition d’œuvres récentes des artistes à voir jusqu’au 14 juin.
Françoise Pirovalli
Préface
par Remy Jacob
Michèle Frank et René Wiroth sont de ces êtres rares qui, plaçant leur art très haut, ne peuvent vivre sans lui tout en se préservant pour les autres. Sans pesanteur ni légèreté, ils puisent leur aspiration à l’universel dans la communauté qui les entoure. Leur soif de comprendre les conduit à faire confiance à l’être humain contre le prêt-à-penser. Cependant, dans cet aller-retour avec le monde réel, ils ont une fois pour toutes fait le choix de la beauté. Celle-ci ne peut être confondue avec le bien ; pourtant, dans leur œuvre une sorte de morale affleure, que je me garderai de définir sauf pour dire qu’en tout cas ce n’est pas celle du diable dont en connaît aussi la beauté. Leur art ni n’agresse, ni ne tend un miroir. Il prend le spectateur dans son monde, il crée de l’intimité.
Mais ne vous y trompez-pas, l’ouvrage que vous avez entre les mains le démontre à l’envi, leur présence au monde s’exprime de manière extrêmement différente. Deux artistes, deux personnalités, deux tempéraments, deux techniques. Aucune confusion n’est possible.
La peinture de Michèle Frank a franchi toutes les frontières laissant aux formes et au mouvement le soin de dire la liberté, sa vérité. Une peinture qui ne s’en laisse pas conter et qui résiste à la cruauté des temps comme une femme moderne: ce n’est pas une posture, disons romaine ou antique, on y voit l’émotion, on entend la plainte, on souscrit à l’enthousiasme des lignes. Ce n’est pas d’une pièce, mais tout est vrai, rien n’est faux, tout éclate avec la force de l’évidence, une vivacité spirituelle. Rien d’inaccessible. Il y a des tempêtes sur ces toiles d’où l’on entend parfois sourdre comme une lourde rumeur, mais, regardez, écoutez, c’est chaque fois la vie qui l’emporte. Tout concourt au flamboiement de l’image dans un romantisme abstrait qui se serait débarrassé du mystique et du surnaturel, ne gardant en filigrane que la part vulnérable de l’humain.
Et c’est là dans cette fragilité obstinée que René Wiroth rejoint Michèle Frank, lui dont la statuaire est à hauteur d’homme et à fleur de peau. La tendresse baigne ses personnages blancs comme des mimes pensifs de même qu’elle les imprègne encore lorsque soudain, arrêtés dans leur course, ils sont figés dans le bronze. Ses personnages ont, comme lui, le cœur sur la main, l’amour en bandoulière. Ses productions les plus récentes ont la dignité du funambule lorsqu’il se sait regardé et craint de tomber. René Wiroth ne scrute pas le ciel puisque le ciel, il s’y promène déjà ; il est là-haut, quelque part dans la brume du bonheur, nous guettant avec amitié et mélancolie. Ses personnages sont les enfants du paradis ; on voudrait leur parler, mais on n’ose le faire de crainte de briser leur rêve solitaire. Parleraient-ils d’ailleurs si on les sollicitait ? A quoi bon ? Ils nous parlent déjà.
En 2001, ils ont rassemblé quelques unes de leurs œuvres dans un premier album, « L’or et l’argile ». Ils récidivent aujourd’hui après quelques années époustouflantes pendant lesquelles leur production s’est enrichie en nombre et en profondeur. Ils publient un deuxième album que j’ai parcouru avec jubilation. Vous le visiterez, j’en suis sûr, avec le même plaisir. Les statues de René Wiroth suggèrent aujourd’hui plus qu’elles n’imposent. Le nouveau matériau utilisé par l’artiste donne à ses personnages un mouvement d’évidence, une sérénité gracile et une assertivité tranquille qui s’adressent à vous les yeux dans les yeux. Sans peur, ni reproche. Les peintures de Michèle Frank ont gardé leur force et leur vigueur mais aujourd’hui elles s’offrent à nous dans une sorte « d’explosion fixe », pour reprendre l’expression d’André Breton.
René Wiroth et Michèle Frank n’auront pas travaillé en vain au cours de ces six années. Leur talent est désormais reconnu. Au Luxembourg, les expositions se sont multipliées, le public y est venu nombreux. « La cinquième saison » qu’ils ont montrée au château de Bourglinster reprenait le titre d’un tableau de Michèle Frank où s’exprimait si bien le nouveau cours de l’artiste, multipliant les lignes, enflammant le mouvement. L’Europe à la construction de laquelle les deux artistes sont tellement attachés est venue à leur rencontre en demandant à René Wiroth de concevoir la récompense remise chaque année par la Fondation Edmond Israel à un « Grand d’Europe ». En 2008, ce fut Jean-Claude Trichet, le Gouverneur de la Banque centrale. En Europe d’ailleurs, leurs œuvres ont voyagé notamment en France et en Allemagne. Les Etats-Unis les ont également accueillis. A New York, ils ont exposé au National Arts Club, une institution brillante en plein cœur de la ville, à Gramercy Park, et qui comptent depuis des décennies les plus grands artistes parmi ses membres.
Albert Camus disait dans « Noces », une œuvre de jeunesse, que « Tout ce qui exalte la vie accroît en même temps son absurdité ». Ouvrez cet album, allez ensuite voir les œuvres de Michel Frank et René Wiroth. Vous serez saisi comme moi par l’exaltation de la vie qui s’en dégage et comme Albert Camus, vous considérerez ensuite que l’absurdité est un début, non une fin. Notre liberté c’est de vivre notre vie, notre liberté c’est d’aimer René Wiroth et d’aimer Michèle Frank.
Foreword
By Remy Jacob
Michèle Frank and René Wiroth are among the very rare individuals, placing their art very high, who cannot live without it while keeping their hearts open for the world around them. Without false gravitas or flippancy, they take their aspiration to universality in the community which surrounds them. Their thirst for understanding drives them to have confidence in human beings rather than easily sought out ideas. And yet in this circular trip with the real world, they have finally chosen beauty. This sense of beauty cannot be confused with the idea of goodness versus evil. In their work a sense of morality surfaces which — being neither angelic nor demonic – cannot be defined. Their art neither aggresses nor does it hold up a mirror to the viewers’ own internal vision. It takes the spectator into its world; it creates intimacy.
Do not be mistaken, as the work that you have between your hands clearly shows, their presence in the world expresses itself in two extremely different manners. Two artists, two personalities, two temperaments, two techniques. Confusion between the two artists is impossible.
The painting of Michèle Frank has crossed every border leaving form and movement the care of speaking of liberty; of her truth. A way of painting which cannot be retold, which resists the cruelty of time as does a modern woman: rather than a posture, let us say Roman or antic, we see the emotion, we hear the plaintive cry, we submit to the enthusiasm of the lines. It is not all of a piece but everything is true, nothing is false, everything bursts with the force of the obvious, a spiritual vivacity. Nothing is inaccessible. There are tempests on these canvases where one sometimes hears a welling up as of a heavy foreboding but look, listen, each time it is life itself that carries the day. Everything supports the flaming image of an abstract romanticism which has stripped itself of mysticism and the supernatural keeping only a filigree of human vulnerability.
And it is here in this obstinate fragility that René Wiroth joins Michèle Frank; he whose sensitive statuary is at the heart of man. Tenderness bathes his white personages as if they were pensive mimes just as it impregnates the bronzes which seem to have been suddenly stopped in their flight. These personages have, like René, their hearts on their sleeves, love is strapped across their chests. These recent productions have the dignity of a tightrope walker when he knows he is being watched and fears a fall. René Wiroth does not search the sky because the sky is walking with him; he is above, somewhere in a mist of happiness watching over us with friendship and melancholy. His personages are the children of paradise. We want to speak to them but do not dare for fear of breaking their solitary dream. Would they speak if we queried them? For what reason? They are already speaking to us.
In 2001, they assembled some of their work in a first album, “Gold and Clay.” They return today after several breathtaking years during which their production has grown in number and in depth. They are publishing a second album that I have seen with jubilation. You will visit their world, I am sure, with the same pleasure. Today, René Wiroth’s statues suggest more than they impose. The new material used by the artist gives personages an evident movement, a graceful serenity and an assertive tranquility which looks directly into your eyes. — Without fear, without reproach. The paintings of Michèle Frank have kept their force and their vigor but today they offer us a sort of ‘fixed explosion’ to use André Breton’s expression.
René Wiroth and Michèle Frank have not worked in vain in the course of these six years. Their talent is now acknowledged. In Luxembourg, the exhibitions have multiplied, the public has come in growing numbers. “The Fifth Season” that they showed at Bourglinster castle took its title from a painting of Michèle Frank where she expressed so very well the new sense of the artist, multiplying lines, inflaming movement. Europe, the construction of which the two artists are so attached has come to meet them by asking René Wiroth to conceive the prize given each year by the Fondation Edmond Israel to a “ European Great”. In 2008 it was Jean-Claude Trichet, the Governor of the European Central Bank who received the statue. Moreover in Europe their works have traveled, notably in France and Germany and been welcomed in the United States. In New York, they exhibited at the National Arts Club, Gramercy Park, a brilliant institution in the heart of the city which for decades has had great artists among its members.
Albert Camus said in “Weddings” a work of his youth, that “Everything which exalts life contributes at the same time to its absurdity.” Open this album, then see the works of Michèle Frank and René Wiroth. You will be held as I was by the exaltation of life which it gives off and like Albert Camus, you will then consider that absurdity is a beginning and not an end. Our liberty is to live our life, our liberty is to love René Wiroth and to love Michèle Frank.
Introduction
“Gold and Clay” our first book together, subtitled “Art and the Everyday” was to have been a catalogue like that of all artists who have difficulties getting into a gallery, an art folder under their arm, with the hope of exhibiting their work or of making known their work thanks to the generosity of bookstores. But it is quite unusual that two artists present their work in the same book, even more so when it concerns a sculptor and a painter. Our unusual choice grew out of another process, that of presenting ourselves as an artistic couple having decided to exhibit together in order to break the image of the egocentric and solitary artist whose creation necessitates at most a retiring but attentive presence in the service of his art/her art.
“Gold and Clay” told of our meeting, the influence that it had on our work, the rifts which finally decided us to work in the sense of the complementarities of man/woman. The juxtaposition of René’s sculptures and of my paintings illustrates this mute dialogue which expresses itself in our work. Today we have found our place, perhaps even thanks to this return to our beginnings, to the avowal of our difficulties in putting into place this intrinsic desire and the reciprocal fulfillment of the other. We have therefore decided to let our friends speak and to try and merit their affectionate testimony in showing a part of our work of these last six years.
Do not look for similarities in our work! But then perhaps you will hear the whisperings between them, perhaps you will perceive the exchange and the complicity which brought them into being and our desire to make them live together. My interior landscapes are like a foundation on which René’s sculptures evolve: sometimes as gigantic shadows, a bird-man stopped in mid-flight, interlaced couples in symbiosis, women seated in meditation plunged in their impenetrable universe, a head with three faces which shows the different facets of a human being, a personage held in a rectangle of which one cannot know if he permits himself to be held in equilibrium or if he characterizes enclosure, a dancer which recalls in three dimensions Matisse’s dance figures.
While I am always balanced between two extremes: the empty and the too full, jubilation and anger, autumn colors which alternate with the rose and yellow of Naples, the flaming red and blue which evokes nightfall and the world of dream, for René there are objects which forever bear witness to his obsession with equilibrium
And you, what do you see?
Michèle Frank, January 2009